L'orage
La terre gronde, sourde, prophétique, vengeresse, elle hurle sa colère et couvre son ciel d’une peau sombre, d’un tapis de nuit en plein jour. Les espèces rampantes devancent les autres, elles se calfeutrent dans la pierre, pas un gramme d’écaille à l’air. Les oiseaux ont depuis longtemps achevé leurs boucles, ils tremblent plumes mêlées sous l’opaque canopée, petits tissus de chair au vent, griffes communiantes. Les chiens se taisent enfin les roquets bâtards, plus un bruit… seuls encore, au loin dans les collines, grimpent deux à deux les égarés de la dernière heure, un ballot sur la tête, les mains saisissant la pierre ou la terre encore sèche se pressant de planquer leurs os sous leur îlot de fortune.
Et puis… il arrive enfin, fend le crépuscule aveugle, résonne comme mille canons et déclenche les larmes des anges, des morts et de tout ce qui gravite là-haut démons et orgies lunaires. Ils se succèdent par saccades, rafales, on dirait l’opération tempête du désert sur CNN en boucle, en live, au devant de toi, reporter naturel avec tes yeux mémoire qui clignotent comme des feux follets. La terre avale tant qu’elle peut, la gueule béante se fissurant comme des coups de cutter et son sourire de joker apprécie. Les corps endimanchés de la nature, les deux pattes au cerveau pensant, sursautent à chaque salve, c’est un réflexe, ils imaginent leur outil électrifié, carbonisé, brûlant dans l’indifférence, fumant encore au petit jour quand les premiers sifflements accueilleront le retour de la lumière. Des rivières à présent coulent, se déversent par torrents de boue du toit, des buttes et de tout ce qui a de la hauteur, la néons électriques clignotent une dernière fois avant d’imploser.
Dans le reflet de la vitre où tu es spectateur du divin, tu te vois par intermittence, petit élément, petit rien d’un tout où tu es partie prenante, jouet d’une ambition et d’une respiration des grandeurs, simple spectateur bocal du chant de la démesure.